La piété filiale en Chine
En Chine, demander à quelqu’un s’il respecte ses parents, ce n’est pas une simple question de politesse… c’est presque un test de moralité ! 😅
La piété filiale, ou xiào (孝), est au cœur de la culture chinoise depuis plus de 2000 ans. Elle guide les relations familiales, influence l’éducation des enfants, le choix du conjoint, et même… l’endroit où l’on vit une fois adulte.
Mais comment cette valeur traditionnelle, née à l’époque de Confucius, continue-t-elle de vivre dans une Chine ultra-connectée, urbaine et moderne ?
📚 Qu’est-ce que la piété filiale en Chine ?
La piété filiale, ou xiào (孝) en chinois, peut se traduire par respect profond envers ses parents et ancêtres, mais ce serait réducteur. En réalité, c’est un ensemble de comportements, d’obligations morales, d’attitudes sociales et même de croyances religieuses.
Le mot 孝 est formé de deux caractères imbriqués :
- 老 (lǎo) : le vieillard
- 子 (zǐ) : l’enfant
Ce symbole incarne l’idée que le jeune soutient l’ancien, et que la continuité familiale est un devoir fondamental.
👉 Pour les Chinois, honorer ses parents, ce n’est pas seulement leur dire merci. C’est :
- répondre à leurs besoins matériels,
- suivre leurs conseils,
- faire preuve de gratitude dans les actes quotidiens,
- et même… protéger leur réputation, leur image, leur nom.
🧠 Les origines confucéennes de 孝
La piété filiale est au cœur de la pensée de Confucius (Kǒng Zǐ, 孔子), philosophe du VIe siècle avant notre ère. Dans les Entretiens (Lúnyǔ, 论语), il écrit :
“Être filial, ce n’est pas seulement nourrir ses parents. Même les chiens et les chevaux reçoivent de la nourriture. Si on ne respecte pas ses parents, en quoi est-on différent ?”
Confucius insiste sur le fait que la piété filiale est la première vertu d’un homme juste, parce qu’elle garantit l’harmonie de la famille, qui elle-même garantit l’ordre de la société.
Pour lui, la famille est une miniature de l’État, et le respect envers les parents est le premier pas vers une société harmonieuse.
🏯 La piété filiale dans la Chine impériale : entre devoir et loyauté absolue
Sous les dynasties chinoises (Han, Tang, Song…), la piété filiale est devenue une norme juridique et sociale.
Il existait même des lois pour punir l’ingratitude envers ses parents ! Ne pas enterrer dignement un parent ou leur désobéir gravement pouvait entraîner :
- l’exclusion sociale,
- des sanctions publiques,
- voire… la peine de mort sous certaines dynasties 😬
🧾 Les “24 exemples de piété filiale” (二十四孝, Èrshí Sì Xiào)
Ces histoires légendaires, très connues en Chine, illustrent les sacrifices extrêmes faits par des enfants pour honorer leurs parents.
Exemples :
- Se coucher sur un lit de glace pour pêcher du poisson pour sa mère malade
- Se laisser piquer par les moustiques à la place de ses parents (véridique)
- Pleurer devant une tombe pendant trois ans après le décès de ses parents
Même si certaines histoires paraissent extrêmes aujourd’hui, elles continuent à marquer l’imaginaire collectif.
🏠 Dans la vie quotidienne : comment le xiào se manifeste concrètement aujourd’hui
Aujourd’hui encore, la piété filiale structure toutes les relations familiales. Voici comment elle s’exprime :
Prendre soin financièrement des parents
- Il est courant que les enfants envoient de l’argent tous les mois à leurs parents, surtout s’ils sont retraités ou malades.
- Certains adultes remboursent à leurs parents les frais d’éducation dès qu’ils ont un bon emploi.
Une amie à moi verse 30 % de son salaire tous les mois à ses parents, et ne l’a jamais remis en question. « C’est normal, ils m’ont tout donné », m’a-t-elle dit.
Vivre ensemble ou à proximité
- Voir l’article dédié 👉 Pourquoi les Chinois vivent-ils souvent avec leurs parents ?
- En Chine, même après le mariage, de nombreux couples vivent dans le même appartement que les parents d’un des deux conjoints, ou dans le même immeuble.
Décider pour les parents âgés (avec leur consentement)
Quand un parent devient dépendant, les enfants prennent les décisions médicales, financières, administratives.
⚠️ Il est très mal vu d’envoyer un parent âgé dans une maison de retraite (même si cela change peu à peu dans les grandes villes).
Suivre les conseils parentaux
Même si les jeunes générations revendiquent plus d’indépendance, le poids du regard parental reste très fort, surtout dans :
- le choix des études 🎓,
- le choix du conjoint 💍,
- la gestion des enfants 👶
📖 À lire également : Comment les chinois vivent-ils au quotidien ?
🎓 La piété filiale dans l’éducation : un apprentissage dès l’enfance
Dans les écoles chinoises, on enseigne très tôt le respect des parents et des aînés.
On apprend aux enfants à :
- aider leurs parents à la maison,
- ne pas leur répondre (ou alors poliment),
- les remercier régulièrement,
- et offrir des cadeaux ou des gestes symboliques lors des fêtes traditionnelles chinoises.
👉 Pour la fête de la mi-automne, par exemple, beaucoup d’écoles demandent aux élèves d’écrire une lettre de gratitude à leurs parents.
🧓 Piété filiale et soins aux personnes âgées
Avec le vieillissement rapide de la population, la piété filiale prend une nouvelle dimension sociale :
- Les enfants doivent assumer la prise en charge de leurs parents âgés, souvent sans aide de l’État.
- Dans certaines provinces, des lois locales obligent même les enfants à rendre visite à leurs parents régulièrement ou à subvenir à leurs besoins sous peine d’amende.
📱 La piété filiale à l’ère numérique et dans la Chine urbaine
Avec la modernité, le xiào évolue :
- Beaucoup de jeunes vivent loin de leurs parents, mais gardent le contact quotidien par téléphone ou WeChat.
- On voit aussi émerger des gestes modernes de piété filiale : offrir des soins de santé, un abonnement, un voyage, ou encore offrir une appli de karaoké à sa grand-mère (véridique 😂).
Il y a même des influenceurs sur Douyin (le TikTok chinois) qui deviennent célèbres en prenant soin de leurs parents en vidéo !
⚖️ Modernisation et tensions : la piété filiale à l’épreuve du temps
Aujourd’hui, les jeunes Chinois veulent vivre leur propre vie tout en respectant leurs parents. D’où de nombreuses tensions :
- L’envie d’indépendance vs. le devoir d’assistance
- Le choix du mariage d’amour vs. le mariage “acceptable” pour les parents
- La volonté de carrière vs. le besoin de rester proche géographiquement
Certains parlent même de “piété filiale passive-agressive” : on respecte en apparence, mais on n’écoute pas vraiment les conseils… 😅
🧡 En résumé : une valeur éternelle, mais qui se transforme
La piété filiale en Chine, c’est :
- Un héritage culturel millénaire profondément ancré
- Un devoir affectif et social qui structure les liens familiaux
- Un enjeu moderne, entre amour, pression et adaptation
- Une part importante dans les valeurs familiales en Chine
Même si les formes changent, le fond reste intact : en Chine, prendre soin de ses parents n’est pas une option, c’est un honneur.